
Les difficultés dans les interactions sociales font partie des plus grandes embûches rencontrées par les personnes autistes. Comprendre l’implicite, réaliser un échange bidirectionnel, développer un langage fonctionnel, sans écholalies, ou encore demander de l’aide… Tout ceci peut être complexe. Bien sûr, l’autisme, qui est un trouble neurodéveloppemental, ne se présente pas sous la même forme pour chaque personne, enfant ou adulte. C’est pourquoi, nous ne le répéterons jamais assez, l’individualisation de la prise en charge est essentielle. Mais, malgré tout, des bonnes pratiques générales peuvent ressortir, notamment lorsqu’on souhaite enseigner la demande à une personne autiste. Ces bonnes pratiques permettent d’éviter certaines erreurs courantes. Lesquelles ? Nous vous en présentons 5 !
Erreur 1 : Aller trop vite dans la formulation de la demande
Une erreur commune est de vouloir aller trop vite dans le processus d’apprentissage de l’enfant autiste.
Cela peut passer par :
- une anticipation des besoins de l’enfant, avant même que ce dernier ne s’exprime (par exemple, lui tendre une bouteille d’eau alors qu’il n’a pas réclamé à boire) ;
- une réponse donnée à une fausse question (par exemple, le petit dit : « la porte est fermée » pour demander à l’ouvrir. Dans ce cas, il vaut mieux lui apprendre à demander à ouvrir la porte plutôt que d’accéder immédiatement à sa requête.) ;
- le fait de sauter certaines phases de l’apprentissage et de poser dès le départ des questions complexes (au contraire, mieux vaut poser une question simple et attendre la réponse).
En effet, enseigner la demande implique d’aller étape par étape :
- il s’agira tout d’abord d’initier la demande en prononçant soi-même le nom de l’objet que l’enfant désire obtenir (« avion », « poupée », par exemple) ;
- ce n’est qu’ensuite que la question « Qu’est-ce que tu veux ? » peut-être prononcée, sur un ton interrogatif.
Au contraire, les phrases suivantes sont à proscrire, du moins dans un premier temps :
- de grandes phrases interrogatives complexes ;
- des questions fermées, telles que « est-ce que tu veux l’avion ? » (le risque ici est que l’enfant se contente de répondre par « oui » ou « non », sans formuler de demande fonctionnelle) ;
- des mots génériques tels que « encore », « merci » ou « s’il te plaît ».
Dans ce dernier cas, l’enfant pourrait en effet apprendre à dire « s’il te plaît » de manière systématique pour obtenir ce qu’il ou elle veut.
Alors, faut-il se passer de ces petits mots de politesse ? Non, ne vous inquiétez pas : seulement, ces derniers viendront plus tard, lorsque le processus de la demande sera acquis.
Le mot « encore », quant à lui, peut venir s’installer très rapidement dans le cadre de l’alimentaire.
En effet, il est courant de demander à nos enfants : « en veux-tu encore ? ». Ces derniers apprennent alors à répéter « encore » plutôt que de demander « du pain » ou « du chocolat ».
C’est alors à l’entourage de faire preuve d’une attention redoublée pour éviter d’installer ces mauvaises habitudes chez l’enfant.
Vous êtes dans la situation où de mauvais comportements ont déjà été mis en place ? Dans ce cas, nous vous invitons à recommencer depuis le début pour enseigner la demande, en y allant étape pour étape.
Erreur 2 : Ne pas s’appuyer sur ses centres d’intérêts spécifiques
Les troubles du spectre autistique, ou TSA, se caractérisent par des difficultés importantes dans la communication. Ces dernières impactent les relations sociales que les enfants comme les adultes autistes peuvent construire avec leur entourage.
Mais ce ne sont pas les seules spécificités de l’autisme.
En effet, selon le DSM-5 (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux), le diagnostic d’autisme ne peut être posé que si la dyade autistique est observée.
Cette dernière se caractérise par :
- des déficits de la communication et des interactions sociales ;
- le caractère restreint et répétitif des comportements et intérêts.
Ce que cela signifie ? Que les autistes présentent des centres d’intérêt très forts.

Vous connaissez un enfant qui pourrait parler des heures durant de chevaux, créant un monologue dont il est difficile de le sortir ?
Si cela peut avoir un impact négatif sur ses relations sociales, cette passion présente aussi bien des avantages :
- elle l’aide à surmonter ses peurs et ses angoisses ;
- elle est source de sentiments très positifs et renforçants ;
- elle contribue à développer une motivation et un regain d’intérêt pour certaines activités.
Vous voyez où nous voulons en venir ?
Eh oui ! Il est recommandé d’utiliser les centres d’intérêt de l’enfant pour lui enseigner la demande : la motivation alors générée vous permettra d’atteindre vos objectifs thérapeutiques plus rapidement.
Toutefois, ces intérêts ne restent pas toujours fixes tout au long de la vie de la personne autiste.
Dans le cas où ils seraient très changeants, il faudra alors être en mesure de s’adapter. C’est pourquoi nous conseillons d’être toujours à l’affût, au quotidien, pour savoir ce qui attire l’enfant.
Établir un véritable partenariat avec l’entourage de l’enfant permet alors de faciliter cette enquête.
Erreur 3 : Ne pas faire intervenir toutes les personnes ayant des interactions sociales avec l’enfant
Vous avez la sensation que l’enfant progresse bien dans son apprentissage de la demande ?
Il ou elle formule parfaitement bien ses requêtes ?
Mais est-ce vraiment le cas de partout ? Ou bien n’y arrive-t-il ou elle qu’au sein de votre cabinet ?
Il y a un effet une différence, et de taille, entre la situation « idéale » du cabinet et la vraie vie (école, maison, etc.).
Pour parvenir à généraliser l’action de demander, en tant que professionnel·le, vous n’aurez pas le choix : vous devrez faire intervenir toutes les personnes du cercle proche de l’enfant.
Parents, frères et sœurs, mais aussi enseignant·e : tout le monde peut participer à cet enseignement.

Bien sûr, cela signifie leur apprendre à enseigner la demande. Dans ce cas, n’hésitez pas à vous rendre directement sur le lieu scolaire pour avoir des échanges avec l’enseignant·e comme avec les parents, voire à proposer des rendez-vous réguliers pour suivre de manière précise l’évolution de l’enfant.
Il est également de proposer à l’entourage de l’enfant de se rendre au cabinet où la demande lui est enseignée, ou bien directement au domicile. Le gouter peut être propice à s’entraîner à ce que votre enfant fasse de belles demandes.
Au moment du gouter, vous pourrez commencer par montrer les étapes de la demande, qui pourront facilement être reprise juste après par les adultes présents.
Vous pouvez alors utiliser une feuille de route pour quantifier le nombre de fois où l’enfant a réalisé une demande, et voir si une évolution est visible dans le temps.
Un vrai surplus de travail ? Eh oui ! Toutefois, il est important de passer par là pour éviter que l’enfant ne présente une certaine rigidité dans sa façon de demander les choses.
Erreur 4 : Enseigner la demande à une personne autiste sans poser de cadre
L’enfant vous réclame le téléphone ? Vous jugez qu’une utilisation trop fréquente de cet objet peut se révéler dangereuse ?
Toutefois, vous craignez qu’un refus génère des troubles du comportement ?
Une erreur serait alors d’accéder à sa requête sans poser de cadre.
Pour éviter les troubles du comportement, soyez précis·e dans les conditions que vous posez. Expliquez à l’enfant quand et comment l’objet peut être employé et utilisez des outils pour l’aider à se repérer dans le temps (à l’aide d’un timer, d’un planning visuel, etc.).
Passez alors un contrat visuel avec l’enfant : grâce au timer ou au planning visuel, il lui sera plus simple de savoir quand arrêter l’activité en cours. L’avantage ? Diminuer sa frustration.
Bien sûr, dans le cas où l’objet réclamé risque de le mettre en danger, n’hésitez pas à refuser de manière nette.
Erreur 5 : Ne pas se former aux spécificités de la communication chez l’enfant TSA
Les compétences socles de la communication sont nombreuses. Pour les enfants neuroatypiques, elles peuvent ne pas se mettre en place de manière aussi aisée que chez les enfants neurotypiques.
En effet, pour toute personne neurotypique, les échanges sociaux sont quelque chose presque d’instinctif : vous-même, vous n’avez peut-être jamais eu besoin d’un « mode d’emploi » complet pour savoir comment communiquer.
Malheureusement, pour les personne autistes, c’est tout l’inverse.
Certaines peuvent alors présenter des difficultés à comprendre l’ironie, tandis que d’autres auront du mal à vous regarder dans les yeux et à poser des mots sur ce qu’elles ressentent.
Le processus de demande fait partie de ces échanges sociaux avec lesquels les personnes autistes peuvent présenter des difficultés.
L’apprentissage de la demande s’inscrit donc dans un objectif thérapeutique plus large, qui est la diminution des difficultés dans les interactions sociales.
C’est pourquoi bien connaître les spécificités de la communication liées à l’autisme est important : cela vous permettra un accompagnement individualisé plus précis et efficace.
- Comment se positionner face à un enfant pour lui apprendre la demande ?
- Comment mettre en place, de manière concrète, les étapes de l’apprentissage ?
- Comment identifier l’objectif prioritaire de la thérapie ?
- Comment intégrer les parents et enseignant·e·s dans le processus ?